Homoparentalité: l’adoption sera limitée à l’enfant du partenaire

Le Conseil national adopte un compromis. Un premier pas, selon les partisans. Un pas de trop, pour les opposants.

Sur le principe, le Conseil national est d’accord de permettre aux couples homosexuels d’adopter un enfant. Mais ce ne pourra être que l’enfant de l’un des deux partenaires. Prudents, les partisans d’une ouverture plus large, qui aurait permis aux couples de même sexe d’adopter des enfants sans lien préalable avec l’un d’eux, ont retiré leur proposition juste avant le vote. Du coup, la proposition médiane soutenue par la majorité de la commission l’a emporté avec une très nette majorité de 113 voix contre 64.

«Un premier petit pas», selon Carlo Sommaruga (PS/GE), rapporteur de la commission. Un pas de trop, qui ouvre la voie à des évolutions difficilement maîtrisables sur le terrain de la procréation artificielle, et malheureuses du point de vue de l’intérêt de l’enfant, disent en chœur les adversaires du projet.

Le dossier retourne au Conseil des Etats, qui s’est prononcé à une très courte majorité, en mars, pour la version plus large écartée jeudi. S’agissant d’une motion, le Conseil des Etats n’aura d’autre choix, quand il reprendra la question, que de se rallier à la variante restrictive du Conseil national ou de faire sombrer le projet. Ensuite, si cet obstacle est franchi, le Conseil fédéral devra élaborer un projet de loi.

Autant dire que le dossier va prendre encore plusieurs années, et qu’il n’est pas certain qu’une loi verra vraiment le jour. Le vote du Conseil national aura au moins permis de resserrer le débat. Celui-ci se concentrera désormais sur l’adoption de l’enfant du partenaire de même sexe, pas plus.

Même limité à cet enjeu-là, le projet continue à susciter des oppositions farouches. A la tribune, l’UDC genevois Yves Nidegger invoque le «principe de précaution» face à «une expérimentation sociologique» dans laquelle les enfants ne doivent pas jouer le rôle de «cobayes». «J’ai un problème à la fois moral et psychique, confesse pour sa part Christian Lüscher (PLR/GE). On va dire que je suis rétrograde, conservateur, cela m’est complètement égal: pour moi, un enfant doit avoir un papa et une maman. C’est ainsi que la nature l’a voulu», lance-t-il, tout en admettant que des parents de même sexe sont tout aussi aptes à éduquer des enfants que des parents hétérosexuels. Il n’empêche: il faut «traiter deux situations différentes de manière différente», et il existe d’autres solutions pour préserver l’intérêt de l’enfant. Et de faire mention d’une initiative parlementaire de son collègue de parti Fathi Derder, inspirée, dira-t-il, par l’ancienne conseillère nationale libérale vaudoise et professeur de droit Suzette Sandoz, dont l’objectif est de renforcer le droit de l’enfant à recevoir une contribution d’entretien de son «autre» parent.

De toute façon, questionnent les adversaires, combien sont-ils réellement, les enfants qui pourraient être concernés? «Pas en nombre suffisant» pour justifier un pareil changement de la loi, avance Yves Nidegger, pour qui ceux «qui vous parlent au nom de milliers d’enfants» sont de «fieffés menteurs», aucune statistique n’ayant jamais été réalisée. Carlo Sommaruga avait extrapolé à partir des chiffres français et allemands pour arriver à un nombre «entre 6000 et 20 000», avant de se rabattre sur une estimation de «quelques centaines, peut-être quelques milliers».

Mais, pour les partisans de l’adoption par des personnes de même sexe, l’essentiel n’est pas dans les chiffres. Il est dans la discrimination que le droit actuel, «complètement dépassé», selon Susanne Leutenegger Oberholzer (PS/BL), réserve aux enfants qui vivent dans des familles homoparentales, dans le domaine des successions, des contributions d’entretien, de la fiscalité, des assurances sociales. Ces enfants existent, ils sont une réalité dont le droit doit désormais tenir compte, soulignent de concert Antonio Hodgers (Verts/GE) et Christa Markwalder (PLR/BE).

Au nom du Conseil fédéral, Simonetta Sommaruga a plaidé pour des solutions tout en nuances. Elle a demandé le rejet de la motion, mais s’est démarquée du camp conservateur en signifiant que le gouvernement était prêt à inscrire l’adoption de l’enfant du partenaire dans la loi, mais en la limitant aux partenaires enregistrés. Au vote, le refus de la majorité des démocrates-chrétiens et des UDC et d’une minorité des libéraux-radicaux ne pèse pas lourd.

Denis Masmejan

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