Mariage gay : Hollande apaise les maires

Le chef de l’État reconnaît la « liberté de conscience » des élus qui ne voudraient pas appliquer la future loi.

Il a cherché l’apaisement. La réforme du mariage pour tous suscite de l’émotion? Francois Hol­lande démine. Impossible pour le chef de l’État d’ouvrir un front alors qu’il est déjà accaparé par la crise financière. Hors de question aussi d’offrir à ses opposants un sujet emblématique de rassemblement. Alors le président de la République a profité de son intervention mardi devant le 95e congrès de l’Association des maires de France, porte de Versailles à Paris, pour tenter de rassurer la frange des élus qui s’inquiètent de devoir appliquer une loi qu’ils contestent dans son principe. «Les débats sont légitimes dans une société comme la nôtre», a-t-il convenu diplomatiquement.

Si la loi sera bien «appliquée», il a assuré que «des possibilités de délégation existent». «Elles peuvent être élargies», a-t-il ajouté. Mais le président a surtout prononcé le mot qui soulage: «Il y a la liberté de conscience.» La loi, dont les débats parlementaires commenceront le 29 janvier, ne changera pas. Mais Francois Hollande a choisi d’être tolérant à l’égard de ceux qui sont réticents. Une nouvelle concertation va donc s’engager entre la garde des Sceaux, Christiane Taubira, et l’AMF pour définir les modalités de ­cette clause de conscience. Dans l’entourage du président, on insiste cependant pour dire qu’il ne s’agit «pas d’un recul» mais de la recherche d’un apaisement. «Quand on souhaite réussir une réforme, il faut éventuellement réagir aux questions et aux critiques dont elle fait l’objet», dit-on à l’Élysée.

Ce souci d’ouverture ne risque-t-il pas d’inquiéter sa majorité? Certains socialistes trouvaient Francois Hollande plus convaincant sur le sujet durant la campagne présidentielle et plus timoré maintenant. Mais le groupe socialiste à l’Assemblée envisage toujours de déposer un amendement ouvrant le droit à la procréation médicalement assistée pour les couples de même sexe, qui ne figure pas dans le projet de loi.

Alors que le gouvernement a jusqu’à présent martelé que le Code civil s’imposait à tous et que les maires ne pourraient s’y soustraire, ce frémissement a surpris l’inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans). «C’est une expression inattendue, a souligné son porte-parole, Nicolas Gougain. Je ne comprends pas comment on pourrait justifier qu’une loi ne s’applique pas de la même manière partout sur le territoire dela République.»

Le sujet du «mariage pour tous» «suscite de fortes inquiétudes» chez certains édiles, avait rappelé Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France (AMF), juste avant le discours de François Hollande. Certes, l’association, représentative de toutes les tendances, ne prendra «aucune position de fond» mais son président a insisté pour que «toutes les pistes juri­diques susceptibles de concilier respect de la loi et respect des consciences des ­maires soient étudiées».

Le groupe de travail Chancellerie-AMF, plus technique que politique, devrait tenir sa première réunion en décembre pour répondre à toutes ces inquiétudes. Des juristes des deux parties y plancheront sur plusieurs pistes pour alléger la conscience des maires rétifs à la loi. Jusqu’à hier, l’idée d’une clause de conscience, comme il en existe pour les médecins, ne semblait pas à l’ordre du jour. L’AMF a avancé plusieurs autres possibilités. Le groupe devrait ainsi plancher sur l’assouplissement de délégation pour la célébration du mariage, notamment pour les conseillers municipaux.

Traditionnellement, les mariages sont célébrés dans la commune où l’un des deux futurs époux habite depuis au moins un mois à la date de la publication prévue par la loi. Ce choix pourrait être élargi à d’autres lieux comme celui de résidence des parents des «fiancés». L’AMF a aussi évoqué la possibilité de réquisition d’un maire par le procureur en cas de refus collectif. Enfin, le dossier des conséquences pratiques du projet de loi sur les services d’état civil des communes pourrait être au menu de ces réunions.

Plus de 17 000 officiers d’état civil de tous bords, dont 14 présidents d’associations départementales de maires et une trentaine de parlementaires, ont fait part de leurs craintes à l’égard du projet de loi au «collectif des maires pour l’enfance» qui enregistre leur opposition au texte. Afin de faciliter la «prise de conscience» et le débat, le collectif s’apprête à diffuser aux élus locaux un kit pour organiser des réunions sur les enjeux du texte. Enfin, les citoyens pourront bientôt saisir leurs maires de la question du mariage pour tous «en trois clics» via un site Internet également étudié par le collectif.

Samedi dernier, à Paris, les maires avaient pris place en première ligne de la manifestation de protestation contre le mariage pour tous. Ils pourraient être plus nombreux à se joindre au cortège lors de la manifestation nationale des opposants prévue le 13 janvier. Le collectif des maires pour l’enfance songe à lancer un appel en ce sens si le gouvernement n’évoque pas d’ici là la possibilité d’un débat national.

L’appel des chrétiens de gauche

834 citoyens de gauche invitent le gouvernement «à ouvrir un dialogue approfondi» avant le débat parlementaire sur le «mariage pour tous». Ils ont répondu à l’appel du blog «À la table des chrétiens de gauche». Le projet est «de nature à diviser profondément l’opinion, à l’heure où l’urgence du redressement économique et social appelait au rassemblement», plaident ces 834 citoyens dans le manifeste adressé mardi au président dela République. Parmiles signataires, Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle, Dominique Chavagnat, général de corps d’armée, Jean-François Kessler, ex-directeur adjoint de l’ENA, Philippe de Cuverville, économe diocésain de Paris, Jean-Maurice Verdier, ancien président de Paris-X Nanterre, Philippe de Roux, président des Poissons roses, et Gilles de Courtivron, ancien directeur au groupeLa Vie-Le Monde.