L’Ukraine est le leadeur en médecine reproductive grâce aux facteurs indirects et pas aux techniques de pointe

Albert Totchilovski, le directeur de la clinique de PMA Biotexcom a parlé à Delo.ua des bébés sur catalogue, du rajeunissement de l’organisme, de la gestation dans un utérus artificiel, des questions du moral et de l’éthique dans la médecine reproductive et de sa persécution par les autorités.

Partie 1

– Je vous propose de commencer par l’avenir, et ensuite de nous déplacer dans le monde réel. Parlez-nous s’il vous plaît des courants les plus intéressants dans le domaine de la PMA, qui auront un grand impact prochainement, et quelle est la place qu’y occupe l’Ukraine?

– La PMA est l’avenir de l’humanité. Le premier courant auquel aspirent les pays anglo-saxons, comme le Royaume-Uni et les Etats-Unis, est la modification du génome. En fait, c’est un enfant qu’on projette. Vous choisissez la couleur des cheveux et des yeux, les capacités et les talents qu’il aura. Les Chinois pratiquent déjà des manipulations sur le génome, et c’est ainsi que l’enfant insinsible au VIH est né.

Le deuxième courant important est le glissement vers la grossesse tardive, donc à 50-60 ans. Aujourd’hui la clinique BioTexCom pratique déjà le prélèvement des mitochondries, d’autres cliniques prélèvent le noyau de la cellule. De cette façon on atteint l’effet de la jeunesse cellulaire.

Le troisième, et probablement le plus important, c’est l’ectogenèse, c’est-à-dire la possibilité de réaliser la gestation hors le corps féminin. Pour simplifier, c’est l’utérus artificiel. Une espèce des usines qu’on a tous vu dans le film « Matrix ». Je pense que dans 5 ou 7 ans on pratiquera de l’ectogenèse et notre clinique travaille dans cette direction. Je ne suis pas certain qu’en Ukraine cette pratique soit autorisée vu que les gens sont conservateurs ici. Au plus probable, l’ectogenèse sera légalisée aux USA ou au Royaume-Uni. Chez eux le problème de l’urbanisation est douloureux, et seulement 2% de la population est engagé dans l’agriculture. Ce sont des sociétés développées où les femmes font leur carrière jusqu’à 40 ou 45 ans et ensuite elles veulent enfanter. Actuellement ce problème est résolu grâce au flux migratoire. Dans l’avenir, je crois que l’ectogenèse et le prélèvement des mitochondries seront une solution principale.

En ce qui concerne l’Ukraine… Il y a une histoire très éloquente du diagnostic préimplantatoire. C’est un examen de l’embryon avant son transfert dans l’utérus au cours de la FIV. La méthode avait été mise au point par Yuriy Verlinski à Kharkov. Pour cela il a été poursuivi en justice et a été contraint de partir pour les Etats-Unis où il a tout de suite obtenu le poste de chercheur à Chicago. Dans les dizaines d’années ses méthodes élaborées ici, sont revenues en Ukraine, mais c’est aux USA que Verlinski est devenu renommé.

Au moment actuel l’Ukraine est bien un leadeur dans le domaine de la PMA, mais non grâce à ses technologies de pointe, mais pour les raisons plus simples : on a un vaste choix de donneuses d’ovocytes ; la gestation pour autrui chez nous est moins cher qu’ailleurs. Si dans les années qui viennent à cela s’ajouteront les techniques, ce sera très bien. Si ce n’est pas le cas, tant pis : les bébés naitront des utérus artificiels dans les autres pays.

-L’ectogenèse peut pourtant provoquer une résistance morale et éthique très puissante…
-Vous savez, à l’époque Beate Uhse est devenue pionnière de l’industrie sexuelle et c’est elle qui a ouvert le premier sex-shop dans le monde. Bien évidemment, la société s’est révoltée immédiatement et a désigné Beate comme son ennemi numéro 1. Cette dernière s’est longtemps battue pour être acceptée, et au final son business a commencé à rapporter plus que l’agriculture. Aujourd’hui Beate Uhse est une entrepreneuse et une personne publique respectée.

Le secteur bancaire était également mal vu autrefois. Rappelez-vous comment les prêteurs à l’intérêt étaient blâmés dans la littérature, ils faisaient leur business en semi-clandestinité. Alors qu’aujourd’hui c’est la base de l’économie mondiale.

Dans les années 60 on pouvait se retrouver derrière les barreaux pour la consommation de la marihuana. Or, maintenant c’est un marché très prometteur et il s’agit même de la légaliser et en tirer des profits.

Après l’apaprition des premières voitures, quand on a eu des premières victimes des accidents de route, tous les médias dénonçaient les « monstres en fer » qui doivent être interdits.

Revenons à nos moutons. Quand les premiers bébés éprouevettes sont nés, les militants religieux ont annoncé la catastrophe. Dans 10 ou 15 ans la FIV a été légalisée.

Il faut que la société comprenne l’essentiel : nous allons faire face à une crise démographique très grave et nous devrons en faire quelque chose. Pendant la conférence internationale dédiée à l’intellect artificiel Ilon Mask – lui qui est novateur et qui ressent bien les tendances à venir – a prédit la crise démographique au cours de 20 ans prochains. Jack Ma l’a complètement soutenu en annonçant le ralentissement des taux de croissance démographique en Chine.

Vu la croissance permanente de la population ceci paraît impossible, mais prenons l’exemple des grandes villes de l’Inde et de la Chine. À Pékin il y aura 150 millions s’il y a un enfant dans chaque famille. Dans une génération la population diminuera drastiquement. La migration ne résoudra pas ce problème. Ainsi, seule la médecine reproductive sera efficace.

– Si Mask y a fait attention, c’est que bientôt on apprendra le secret de l’immortalité.

– Prochainement on assistera à une révolition dans la biologie. Nous vivrons plus longtemps, même 300 ou 500 ans. Et la qualité de vie sera meilleure. Au début cette technique coûtera hyper cher, mais par la suite son coût sera réduit par dizaines de fois. La seule question est qui aura la priorité dans ces techniques.

En fait, les biotechnologies sont notre avenir. L’industrie automobile ne sera plus lucrative et les gens intelligents en comprennent bien la raison. Elle sera détruite par le carsharing. Il y aura des electrocars partout qui sont en autopilote et qui viennent se charger tous seuls. Plus besoin de taxi ni de voitures personnelles. Vous sortez de chez vous, vous mettez votre enfant dans l’électro car et il va à l’école. Vous prenez l’électro car suivant pour aller au boulot, votre femme prend le troisième et votre petit deuxième va à l’école maternelle en quaitrième. Ces voitures sont par la suite utilisées par d’autres personnes. De cette manière, une auto est partagé entre 10 ou 15 personnes. C’est comme Uber, sauf qu’il n’y a pas de chauffeur ni d’essence.

Le logiciel dont on parle autant en Ukraine ne restera pas non plus un eldorado pour longtemps parce qu’il y a déjà les programmes qui sont capables de remplacer le programmeur.

C’est pour ça que les pays phares apprécient tellement les biotechnologies. Prochainement elles constitueront la moitié du PIB dans la majorité des états. Est-ce qu’on le comprend en Ukraine, nos fonctionnaires le comprennent-ils ? Je crois que non, vu que notre enjeu est l’agriculture. Car il faut des gens qui connaissent vraiment ce domaine, et pas des bavards. Il nous fait un Comité des biotechnologies à la Verkhovna Rada. Parce que tout se dévalorise et tout peut être fabriqué à la différence de la biologie.

– Comment l’Ukraine arrive-t-elle à se montrer si bien dans la PMA faute de technologies ? C’est quoi la différence entre nous et les autres pays de l’Europe?

– L’avantage de l’Ukraine est que le domaine en question n’est pas bien encadré chez nous. De cette façon, on a pu rassembler toutes les technologies qui exsitent. Les étrangers nous choisissent pour nos taux de réussite, car en Allemagne par exemple il ne sont que 15-20%, alors qu’en Ukraine c’est 60% de réussite dès la première tentative.

Pourquoi est-ce comme ça ? Parce qu’en Allemagne on ne peut transférer qu’un embryon à deuxième jour de la culture. Ceci est faux du point de vue de la surviabilité de l’embryon. Au deuxième jour vous ne savez pas quel embryon transférer. Le facteur masculin ne se révèle qu’au troisième jour de la culture. Figurez-vous que beaucoup de spermatozoides sont porteurs de l’apoptose, donc la mortalité de l’embryon. Au cinquième jour, quand les plus faibles meurent, on comprend lequel est bon pour transférer. En Allemagne cette approche était considérée comme sélective. Selon les scientifiques allemands, il faudrait transférer d’abord un embryon et congeler le reste. Au final leur taux de réussite a chuté.

En France, il y a un grave problème avec le don d’ovocytes. Les organes éthiques ne permettent que le don non-commercial. Cela veut dire qu’une femme désirant devenir mère doit ramener son amie qui donnerait ses ovocytes, par la suite la future maman se met au fil d’attente. Quelles sont les chances qu’une femme de 40 ans ait une amie de 20 ans dont les ovocytes sont de qualité ? Les chances sont toutes petites, car elle va probablement ramener une amie de son âge, résultat : elle obtiendra les ovocytes mûrs. Par conséquent, le taux de réussite se rapproche à zéro.

Au bout du compte, les femmes vont massivement en Espagne. Pourtant, là-bas il y a une donneuse dont les ovocytes sont partagés par six receveuses. C’est la qualité de l’embryon qui souffre au final.

Après 10 ou 12 tentatives ratées les Européens viennent en Ukraine – et ici ils réussissent dès le premier coup. Chez nous les clients peuvent payer moins cher pour les services, mais de l’autre côté personne ne fait ses économies s’il s’agit de la PMA.

– La situation est donc ambiguë : d’un côté nous avons de très bons taux de réussite, mais de l’autre les Européens n’aiment pas notre pays?

– C’est principalement à cause de la guerre à l’Est qu’on rejette l’Ukraine. Les Français nous demandent même d’ouvrir une clinique dans un pays développé, en Algérie ou au Maroc. Je réponds : mais c’est en Afrique ! Ils l’argumentent par le fait que le niveau de vie africain et plus élevé que celui en Ukraine. Et ceci est une vraie tragédie ! C’est difficile de gagner la confiance, mais nous, clinique BioTexCom, y sommes arrivés. Les couples nous choisissent, mais pas tout de suite. Il leur faut 5 à 15 échecs chez eux, et ensuite ils se rendent chez nous, pour réussir dès la première tentative.

– Peut-être, le problème est le manque de publicité?

– Tout le monde fait de la pub – nous, les cliniques espagnoles et tchèques. Toutefois, les gens n’y croient pas. Ils se rassemblent sur les groupes dans les réseaux sociaux, ils examinent les taux de réussite. Ils voient qu’ici ils sont beaucoup plus performants, et ils se rendent chez nous. Cependant, l’image du pays est très négative. Engager un ivestisseur étranger, on en parle même pas… Soyons honnêtes : il y avait de nombreux cas où des hommes d’affaires venaient en Ukraine, tout se bien passait au début, mais au final on leur filait un arrêt de la justice interdisant toute activité financière en Ukraine.  À chaque fois, quand un nouveau gouvernement arrive au pouvoir, il nous promet que ceci ne se produira plus. Vous ne vous ferez plus duper. Contrairement à cette promesse, l’Ukraine a gagné la réputation d’un pays escroc. D’autant plus que c’est le parquet qui est le plus grand escroc, et pas du tout des bandits symboliques.

– Vous avez l’air de ne pas trop apprécier les fonctionnaires ukrainiens..

– Pourquoi dois-je les apprécier ? Non, je ne les apprécie pas, surtout le parquet en charge des terrains occupés qui avait ouvert 10 enquêtes pénales contre moi. La dernière est juste dérisoire. J’ai prêté de l’argent à un monsieur, il ne me l’a pas rendu, et dans la décision de la justice je lis que j’ai profité de sa confiance afin de lui avancer les moyens… C’est clair qu’au tribunal on va en rigoler, mais des enquêtes comme ça me font perdre plusieurs années pour des bêtises au lieu de m’occuper des choses vraiment importantes.

En général, il est très intéressant d’observer l’Ukraine au cours de la mondialisation, des frontières ouvertes. À Kiev le niveau de vie est plus ou moins élevé, mais c’est pas le cas du reste du pays. L »État nous persuadait de son patriotisme, alors que les jeunes ne cessent de partir et devenir patriotes au Canada, au Portugal, en Espagne, aux Etats-Unis. Ils gardent le drapeau ukrainien dans leus domiciles, mais ils habitent ailleurs et ils paient des impôts ailleurs. Si on ne prend pas les mesures nécessaires et si on ne commence pas à développer des certains domains, nous affronterons de gros soucis.

– Il s’agit de quelles mesures?

– L’essentiel est de ne pas laisser les forces de l’ordre intervenir dans notre activité. Actuellement, et chacun le remarque, la situation a beaucoup amélioré. Or, nous craignons que cela ne dure pas longtemps, que ceci n’est qu’une campagne publicitaire. J’ai l’impression d’être dupé. Le nouveau gouvernement est venu, tout va bien, mais ce sera pas toujours ainsi. Tôt ou tard ils comrpendront qu’ils ont du pouvoir pour rétirer les business. Moi je n’ai plus l’habitude de croire au gouvernement. Il y a tellement de cas des mes amis ayant perdu leurs entreprises de cette façon. Du coup on prie pour que cette situation calme dure qu moins un ou deux ans, cela donnerait la chance à des entrepreneurs ukrainiens.

– Probablement, des nouvelles lois qui pourraient aider votre activité sont nécessaires?

– Nos hommes politiques utilisent souvent le populisme pour se faire élire. Vous savez, un jour quel qu’un a eu l’idée de créer une très bonne loi sur le greffe des organes, afin de sauver les vies humaines. Eh bien, un député a proposé de greffer les reins des personnes qui ont des dettes pour le paiement des charges communales… Il y a beaucoup de populistes. Par contre, il y a peu de gens intelligents et dynamiques qui feraient avancer le pays. Dans 20 ans tous seront d’accord avec cela, mais pas aujourd’hui.

– BioTexCom s’est retrouvé au centre d’un scandale très désagréable : l’ex-procureur général Yurii Loutsenko a affirmé qu’un enfant ukrainien avait été vendu à l’étranger. Vous voulez bien donner votre commentaire?

– Cette situation a eu lieu en 2011, 5 ans avant que j’aie acheté la clinique et, franchement parlant, je n’ai pas tout à fait compris moi-même. Le sperme du conjoint – c’était un couple italien – est arrivé dans un récipient. Maintenant c’est impossible car les couples en programme de la gpa viennent une fois de plus pour faire le prélèvement dans notre pièce spécialement réservée pour cette procédure. On a plein de doutes par rapport à toute cette histoire. Soit le sperme n’était pas celui du conjoint initialement, soit c’est l’embryologie qui avait fait l’erreur, soit on s’était trompé de cathéter lors de transfert. Selon nos lois, les parents d’intention sont considérés comme tels si la filiation avec au moins un des parents a lieu. Dans ce cas-là il s’est avéré que les deux parents étaient étrangers par rapport à l’enfant.

Pourtant, le parquet nous a accusés de la traite d’enfants, alors qu’il est évident que dans ce cas il s’agit d’une erreur médicale et pas du crime pénal.

Nous avons décidé de ne pas chercher les coupables et nous avons compensé les frais au couple italien. Actuellement, la probabilité de commettre une telle erreur est exclue. Nous avons des incubateurs numériques et chaque couple a son casier à lui.  À propos, les Américains ne les utilisent pas pour le moment, d’où les cas de confusion d’embryons.

Interviewé par Dmitri Bounetski, exclusivement pour Delo.ua

Source:
https://delo.ua/business/ukraina-lidiruet-v-reproduktivnoj-medicine-ne-za-358495/